Archives de catégorie : Amériques

Les Caraïbes, la Guyane, l’Amérique du Nord et du Sud,…

André Cros — Cette photographie provient du fonds André Cros, conservé par les archives municipales de la ville de Toulouse et placé sous licence CC BY-SA 4.0 par la délibération n°27.3 du 23 juin 2017 du Conseil Municipal de la Ville de Toulouse.

Christiane Eda-Pierre, chanteuse lyrique

André Cros — Cette photographie provient du fonds André Cros, conservé par les archives municipales de la ville de Toulouse et placé sous licence CC BY-SA 4.0 par la délibération n°27.3 du 23 juin 2017 du Conseil Municipal de la Ville de Toulouse.
André Cros — Cette photographie provient du fonds André Cros, conservé par les archives municipales de la ville de Toulouse et placé sous licence CC BY-SA 4.0 par la délibération n°27.3 du 23 juin 2017 du Conseil Municipal de la Ville de Toulouse.

Christiane Eda-Pierre est née en 1932 à Fort-de-France à la Martinique, où il n’y avait pas de Conservatoire, pas de professeur de chant lyrique, ni de personne ayant tenu des rôles dans un opéra.

Les conditions n’étaient pas requises pour que celle qui allait interpréter l’éblouissante Constance de L’Enlèvement au Sérail sous la baguette de Karl Böhm, put même rêver de devenir chanteuse d’opéra.

Le chant vint à Christiane Eda-Pierre telle une prophétie écrite dans son destin. La jeune martiniquaise, élève de piano depuis ses premières années, partit après son baccalauréat pour la Métropole afin de développer ses talents de pianistes et de pouvoir revenir par la suite à Fort-de-France pour l’enseigner.

Christiane Eda-Pierre fit un peu de chant à son arrivée, mais plus par plaisir que par ambition, « sans intention aucune de faire de l’opéra, tout simplement parce que j’étais noire, que je pensais que ce n’était pas pour moi ». Elle confie d’ailleurs avoir entendu parler de Marian Anderson et des difficultés terribles que cette dernière avait eues aux Etats-Unis.

Jean Planel, son premier professeur de chant, repère au bout d’une année celle qui ne se destinait qu’au piano et la retint à la fin d’un cours pour lui dire : « Je ne pense pas vous faire progresser davantage. Je vais vous présenter Charles Panzéra, qui est un grand chanteur et un excellent pédagogue. »

La jeune Christiane Eda-Pierre ne comprend pas bien encore ce que lui veut ce professeur en la dirigeant vers un ténor d’une pareille qualité et d’une semblable réputation. Intriguée et obéissante, elle se rend tout de même, chez celui qui après quelques mois de cours particulier allait la présenter au Conservatoire et dont elle allait devenir la plus brillante élève.

Du Conservatoire à la scène : Christiane Eda-Pierre à la conquête des Opéras

Elève au Conservatoire, Christiane Eda-Pierre ne le sera d’ailleurs qu’au bout de sa troisième tentative – « les premières présentations étaient trop prématurées, quand je me réécoute, c’était une horreur ! » confie-t-elle. Néanmoins, une fois reçue, la future soprano colorature obtiendra toutes ses récompenses, prix de scène compris, en trois années au lieu de cinq.

Moins d’un an après l’obtention de son prix du Conservatoire, en juillet 1957, Christiane Eda-Pierre fait ses débuts dans son premier rôle à Nice, en 1958, et interprète Leïla dans Les Pêcheurs de perles. Cette première prestation est immédiatement repérée et les rôles, de plus en plus prestigieux, s’enchaînent.

Gabriel Dussurget, en 1959 lui demande de chanter Papagena dans La Flûte enchantée au Festival d’Aix aux côtés du grand Erich Kurtz en Papageno. En 1960, Christiane Eda-Pierre est engagée par l’Opéra-Comique et prend part à la seconde distribution de Lakmé, puis tiendra notamment les rôles de Rosine, Olympia, Violetta. Christiane Eda-Pierre garde un souvenir ému de ce travail de troupe, ainsi que de quelques anecdotes saugrenues.

Elle se rappelle notamment d’un délégué syndical qui avait exigé qu’elle cesse de travailler en dehors des heures qui étaient stipulées dans son contrat, ce à quoi elle avait répondu vertement : « C’est moi qui chante et c’est moi qui me ferais siffler si je ne suis pas au point. »

Auprès des plus grands : Rolf Liebermann et Karl Böhm

Lors de ses représentations, Joan Ingpen, directrice artistique de Rolf Liebermann à l’Opéra de Paris était venue incognito pour l’écouter chanter. Lorsque l’Opéra-Comique ferma ses portes en 1972, l’Opéra Garnier lui proposa de chanter l’Amour dans Orphée et Eurydice avec Nicolaï Gedda dans la production de René Clair, puis le rôle d’Eurydice.

Elle enchaina les distributions élogieuses avec L’Enlèvement au Sérail, puis Les Contes d’Hoffmann et s’imposera tant bien en Lucia dans Lucia di Lammermoor, qu’en Gilda dans Rigoletto. Christiane Eda-Pierre travailla également avec les plus grands chefs d’orchestre : Karl Böhm, Georg Solti et enregistra avec Colin Davis.

« Monsieur Liebermann » comme Christiane Eda-Pierre l’appelle encore, avait décidé de monter L’Enlèvement au Sérail spécialement pour elle et avait ainsi engagé Stuart Burrows, Kurt Moll et surtout le grand Karl Böhm. Karl Böhm émit la condition, avant d’accepter, de venir avec la distribution de l’intégrale qu’il venait d’enregistrer, comprenant Arleen Auger en soprano.

Rolf Liebermann répondit que ce serait Christiane Eda-Pierre et que si cela n’allait pas à Böhm, il trouverait un autre chef d’orchestre. Böhm, piqué au vif, accepta quand même. Lors de la première répétition, Karlheinz Böhm, le fils du maestro, qui jouait le Pacha Sélim, vint voir Christiane Eda-Pierre afin de la mettre en garde : « Attention, il va essayer de vous déstabiliser, surtout ne vous laissez pas faire. ».

Cette mise en garde fut pertinente puisqu’au début du second air de Constance, Christiane Eda-Pierre ne comprenant pas la mesure, Karl Böhm lui dit de manière cinglante : « Ein, Zwei… » (Comprendre « Un, deux » en allemand). Vexée, Christiane Eda-Pierre s’avança jusqu’à l’avant-scène et lui répondit : « Je ne comprends pas ce que vous faites. Si vous dirigiez plus clairement, je comprendrais. »

Christiane Eda-Pierre finit par avoir raison du caractériel génie qui, selon son expression, « faisait peu de geste lorsqu’il dirigeait, mais qui, quand le forte arrivait, se levait comme un diable qui sort de sa boîte et l’orchestre devenait alors voluptueux, extraordinaire. »

Christiane Eda-Pierre, eut également l’honneur de travailler avec des metteurs en scène d’avant-garde tel que le prestigieux Patrice Chéreau dans Les Contes d’Hoffmann ou encore Jorge Lavelli dans Le Carnaval de Venise. Elle interprète Alcina à Aix dirigé par ce même Lavelli, mais aussi Dardanus à Garnier.

Une artiste investie, une image maîtrisée

La cantatrice fut toujours prudente dans le choix de ses rôles. En effet, elle raconte : « La voix est tellement délicate. On met tant de temps à essayer de la parfaire et si peu de temps à la démolir parce qu’on va chanter ce qui n’est pas pour soi. ».

Même si elle a voué une admiration à certaines grandes voix (Joan Sutherland, Leontyne Price, Shirley Verrett, Renata Scotto), elle s’est toujours gardée de n’en prendre aucune pour modèle pour cause : « Lorsqu’on a un modèle, on a tendance à vouloir l’imiter et la pente est vite dangereuse.»

La Martiniquaise, grande mozartienne, eut l’un des plus vastes répertoires allant du soprano au baroque en passant par le contemporain, le bel canto et l’opéra français. Elle créa notamment le rôle de l’Ange dans Saint François d’Assise de Messiaen. Sa curiosité l’empêcha de se limiter à un genre particulier.

Elle a encore aujourd’hui quelques regrets dont celui de n’avoir pas chanté Aïda, par exemple, ou Elisabeth de Don Carlos, alors qu’elle a quitté la scène. Mais elle demeure philosophe et aime à répondre, face aux questionnements d’une carrière plus longue, que si elle avait cherché à « durer », la suite de sa carrière n’aurait sans doute pas été aussi belle.

Ce n’est finalement pas dommage que ses problèmes de dos l’aient contrainte à se retirer, refusant de s’engager avec Gérard Mortier dans la nouvelle saison d’Opéra à Bruxelles en 1986.
« Ainsi, après l’Opéra-Comique, l’Opéra de Paris et sa grandiose carrière internationale qui l’emmena chanter à Londres, Lisbonne, New York et bien d’autres endroits ; après plus d’une vingtaine de rôles et la création du Saint François d’Assise de Messiaen, Christiane… »), Christiane Eda-Pierre prit sa retraite de soprano.

Elle souhaita rendre ce qui lui avait été donné, permettre à d’autres d’acquérir ce qui lui avait été transmis et fit le choix de devenir professeure au Conservatoire national supérieur de Paris, de 1977 à 1997, puis à la Schola Cantorum de Paris, où elle contribua à former plusieurs artistes de renommée internationale, parmi lesquels la grande Nora Gubisch et Sylvie Valayre.

En 2015, dans les salons Louis Delgrès, une grande soirée d’hommage fut organisée par ses anciens élèves et la Ministre des Outre-mer. Un magnifique documentaire réalisé par Jil Servant lui a été consacré récemment, Les choix d’Eda. Aujourd’hui, Christiane Eda Pierre confie, dans son célèbre rire mêlé de larmes, : « Maintenant, je fais autre chose. Je ne m’ennuie pas. Je vis à la campagne. Je ne peux pas venir à Paris voir tout ce que j’aimerais, même si je viens quelque fois, mais j’ai la chance d’avoir Mezzo et Arte ce qui me permet de me tenir au courant de ce qui se passe dans le monde de l’opéra. Je n’ai pas de regrets. Je suis très heureuse, vraiment. »

Portrait de George Tarer pendant l'interview

George Tarer Exemplaire

Portrait de George Tarer pendant l'interviewA 95 ans, George Tarer est une figure incontournable de la société antillaise. Sage femme de profession, cette Guadeloupéenne au caractère bien trempé se bat depuis toujours pour les droits des femmes. Adjointe au maire de Pointe-à-Pitre pendant de nombreuses années, elle s’est donnée sans compter pour le développement social et économique de la Guadeloupe. Elle nous parle aujourd’hui de son parcours et de son engagement.

 

 

 

 

Portrait de George Tarer pendant l'interview

George Tarer

Portrait de George Tarer pendant l'interviewA 95 ans, George Tarer est une figure incontournable de la société antillaise. Sage femme de profession, cette Guadeloupéenne au caractère bien trempé se bat depuis toujours pour les droits des femmes. Adjointe au maire de Pointe-à-Pitre pendant de nombreuses années, elle s’est donnée sans compter pour le développement social et économique de la Guadeloupe. Elle nous parle aujourd’hui de son parcours et de son engagement.

 

 

 

 

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Florencine Edouard: « Je suis une amazonienne, je resterai une amazonienne et je mourrai amazonienne »

 

Entretien et portrait par Niflorencine edouardsma Bekkouche
Crédit photos Nisma Bekkouche
Durée du film : 15’12

Dans notre série filmée « Portrait de Femmes », voici le portrait de Florencine Edouard

 

Florencine Edouard, Coordinatrice générale des Nations Amérindiennes de Guyane est née dans la forêt sur le bord du fleuve Yapok a plusieurs kilomètres de Cayenne.

Florencine edouard est diplômée de l’école de commerce  l’ESSEC et a également un master en ressources humaines.
Mère très jeune de deux enfants, elle  s’engage  dans le milieu associatif en faveur du peuple autochtone  et devient en 2014 la première femme élue dans une organisation autochtone de Guyane.
Nous l’avons rencontré lors de la 35e édition de la Journée internationale de

solidarité avec les peuples amérindiens où elle intervient dans une table ronde: regards  croisés sur le thème « la responsabilité de la France face aux enjeux environnementaux et le respect des droits des peuples autochtones en Guyane ».

Elle parle de son combat pour la représentation du peuple amérindien en Guyane.

https://www.youtube.com/watch?v=i7xs6l79BA8&spfreload=5

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Ghislaine GADJARD

« Une passion pour les cultures: leur transmission, un devoir »

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Entretien et portrait par Nisma Bekkouche
Crédit photos Nisma Bekkouche
Durée du film : 15’12

Dans notre série filmée « Portrait de Femmes », voici le portrait de Ghislaine Gadjard.

Arrivée en métropole à l’âge de 12 ans, Ghislaine Gadjard passe 18 années sans se rendre dans les Départements d’Outre-Mer.

Fin 68, elle repart vivre en Guadeloupe, sa terre natale et décide de se plonger dans les pratiques culturelles de son pays en apprenant notamment le créole.
En même temps qu’une recherche personnelle Ghislaine Gadjard veut valoriser la culture guadeloupéenne auprès des Guadeloupéens eux-mêmes grâce à un travail de préservation et de diffusion du patrimoine culturel « antillais » qu’elle entreprend d’abord au sein du Conseil départemental de la Jeunesse puis au Ministère de la Culture plus tard.
Ancienne chargée mission au Ministère de la Culture et consultante à l’UNESCO, Ghislaine Gadjard a toujours défendu avec force et courage les richesses culturelles de la Guadeloupe , des DOM tout en essayant de donner à ces régions une place normale dans l’échiquier culturel français.

Nous la retrouvons chez elle à Paris où elle nous parle de ses modèles littéraires et de l’importance du devoir de transmettre ce patrimoine.

Anita Bazir, assise devant un bouquet de fleurs

Anita BAZIR

Anita Bazir assise, devant un bouquet de fleurs
Portrait d’Anita Bazir, chez elle, en Guadeloupe

Née en 1922 en Guadeloupe à Basse-Terre, dans le quartier historique du « Carmel », cette entrepreneure volontaire, dynamique a été le témoin de grandes transformations sociales en Guadeloupe. Anita a eu un parcours remarquable en s’affirmant comme femme économiquement indépendante dans un contexte où le modèle dominant était celui de la femme au foyer. Agée aujourd’hui de 93 ans, elle gère son quotidien avec dextérité. Sa mémoire remarquable, son esprit vif, son sens inné de la répartie, ses connaissances éclectiques font d’elle une personne-ressource. D’abord propriétaire d’une pâtisserie, elle a bravé tous les obstacles jusqu’à créer en 1967 et diriger d’une main de maître son hôtel-restaurant de très bonne renommée : « Le Gargantua »[1]. 

 

« Une maîtresse-femme, mémoire vivante de la société guadeloupéenne »

Entretien et Portrait par : Audrey NELZIN-DE PIZZOL
Crédit photos : Mr. RICHARD

Parlez-nous de votre enfance, quel a été votre cadre de vie ?

Benjamine d’une fratrie de trois enfants, orpheline à l’âge de trois ans, j’ai été élevée par mon oncle et ma tante, dans le quartier du Carmel, ville de Basse-Terre, Chef-lieu du département de la Guadeloupe.

J’ai eu une enfance heureuse. Car, mon oncle jouissant d’une certaine notoriété eu égard à ses fonctions d’inspecteur des impôts, nous bénéficions d’une relative aisance. On nous a transmis l’obligation d’une posture de réserve – surtout pour les filles! Une tenue impeccable en toutes circonstances était de rigueur.

Quels sont les faits qui vous ont marqué dans votre vie, durant votre jeunesse ?

Parmi les évènements qui m’ont marqué et qui ont aussi transformé la Guadeloupe, je citerai notamment :

  • Le cyclone de 1928 ;
    Il n’y avait pas de télévision à l’époque. L’information était battue au « son de caisse ». Un messager probablement désigné par la préfecture, était chargé des publications et informations officielles. Il passait dans les localités, en scandant : « Avis à la population ! ». Je n’avais que 6 ans, mais j’ai vu de ma fenêtre, un voisin se faire décapité par une tôle. Cette image me hante encore.
  • L’entrée en guerre de la France en 1939 qui a mis la colonie en émoi ;
    Beaucoup de jeunes gens s’engageaient. Mais, nombreux étaient ceux aussi qui cherchaient des subterfuges pour ne pas être incorporés.
  • L’arrivée du commandant Constant SORIN installé comme gouverneur par le régime de Vichy ;
    Chargé de maintenir l’ordre dans la colonie, il est arrivé sur un bateau de guerre avec un régiment de marins. Il instaura un régime quasi dictatorial : interdiction de réunion, pas plus de deux personnes debout à parler sur la place, instauration d’un couvre-feu, de carte de rationnement…). Ce fut une époque de restrictions et de répression mais également d’ingéniosité, de débrouillardises. Les gens recouraient au troc et à la contrebande. Les guadeloupéens vivaient en autarcie.
  • La grande inondation de la rivière-aux-herbes en octobre 1949 a traumatisé tous les habitants de Basse-Terre…

Femme entreprenante et dirigeante d’entreprise, quelles ont été les grandes étapes de votre cursus ?

De 6 ans à 13 ans, ma scolarité s’est déroulée à l’école des filles de Basse-Terre. Par la suite, pour préparer le certificat d’études, de 13 ans à 16 ans, j’ai intégré l’école privée Gerville-Réache où se trouvait bon nombre d’enfants de notables de la ville. Cet environnement m’a beaucoup influencé et m’a permis en outre, d’établir les bases d’un véritable réseau.

De 1938 à 1940, j’ai suivi une formation en hôtellerie-restauration option « pâtisserie », comme vous dites aujourd’hui.

En 1941, j’ouvrais au Carmel « La Pâtisserie du coin » débutant ainsi ma vie professionnelle en pleine guerre. Dans ce contexte, j’obtins la responsabilité de la distribution de la farine pour les membres de la profession. En même temps, j’exerçais des activités de traiteur à la demande.

Mes premiers encouragements sont venus de haut-lieu. Ainsi, après s’être délecté d’un de mes « tourment d’amour »[2], le maire de Basse-Terre de l’époque m’a offert un livre de cuisine qui compte dans le patrimoine familial.

Vers 1954, je me suis installée à Trois-Rivières (Grand-Anse), j’ai ouvert une boutique d’alimentation générale desservant toute la campagne environnante, avec à côté un bar-restaurant. A cette époque, j’ai fait de nombreux bals et accessoirement des banquets.

A partir de 1967, de retour à Basse-Terre, j’ai ouvert l’Hôtel-restaurant le «Gargantua ». Le restaurant servait des spécialités dans le respect des traditions culinaires guadeloupéennes avec des accents caribéens comme le « Tasso de dinde » d’Haïti ou le poulet-coco. Mais le renom de l’établissement venait surtout du « Matété de crabes » et des « pâtés-crabes »[3].

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Restaurant le « Gargantua » Personnel du restaurant en tenue madras

En juillet 1976, l’annonce d’une éruption volcanique cataclysmique par la professeur Claude ALLEGRE a provoqué l’évacuation de 70 000 personnes de la région du Sud-Basse-Terre. Après trois mois d’inactivité totale, j’ai pu rebondir en installant au Moule le restaurant « L’Arbre-à-pain » qui a fonctionné jusqu’en 1983-84.

En dernier lieu, la gestion de mes gîtes « Villanita » fut ma dernière activité professionnelle.

Quelles sont les motivations qui ont guidé votre vie, vos actions ?

Ma motivation première était de gagner ma vie en toute indépendance. Partie de rien, j’ai accumulé un petit capital sous par sous dans le but de créer un commerce ayant pignon-sur-rue. J’ai dû aussi faire preuve d’audace notamment quand il a fallu obtenir un prêt bancaire pour le « Gargantua ».

Mère de 5 enfants, je me devais d’être une femme debout, un modèle de réalisation par la volonté et le travail.

Jury principale à l’école hôtelière de la ville de Saint-Claude, j’ai transmis ces mêmes valeurs à mes nombreux stagiaires. L’idée que l’exercice de l’art culinaire, l’art de la table exigeaient créativité et raffinement.

Quels sont vos autres centres d’intérêt ?

Douée d’une grande curiosité, je suis une autodidacte. J’aime la lecture, les sorties de tous ordres (théâtre, conférences, expositions…). J’apprécie toutes les occasions d’échanges et de rencontres. Et, j’éprouve encore à mon âge avancé, le désir de découvrir des choses, des cultures différentes.

Avez-vous voyagé en dehors de votre île ?

Oh oui ! J’ai parcouru plusieurs îles de la Caraïbe : la Dominique, Haïti, Saint Domingue, autant pour la découverte des arts culinaires que pour le commerce. Dans un cadre touristique, j’ai voyagé en France (surtout la région du bordelais), en Espagne, en Angleterre.

Haiti Hotel du chemin des Dalles 1972 Haiti palais Duvalier 1972

Anita Bazin en Haïti, hôtel chemin des dalles à Port-au-Prince / Palais résidentiel du dictateur Duvalier dit « Papa doc » en Haïti (aujourd’hui entièrement détruit)

D’autre fois, c’est le monde qui est venu à moi grâce aux rencontres d’étrangers de passage dans mon hôtel. Par exemple, il était courant que les commandants de bateau réservent leur table pour déguster de la cuisine créole traditionnelle.Reception ballet HauteVolta (1)

 

 

J’ai eu l’honneur entre autres, de préparer un repas de réception pour le ballet national de la Haute-Volta, aujourd’hui Burkina-Faso.

 

 

Comment voyez-vous le rôle de la femme d’Outre-Mer et son implication dans la société ?

La femme d’une façon générale ne doit pas se limiter. Dans nos îles, il est vital pour la femme de sortir des quatre murs de sa maison. La position d’insularité limite déjà beaucoup. Elle doit être active, forcer le respect, refuser l’assistanat qui chosifie.

Faire pour soi et par soi-même, animée du désir d’Être, pour contribuer à l’essor de notre société. En tout état de cause, l’instauration de la parité homme/femme dans tous les domaines crée des opportunités que les femmes doivent saisir grâce à leur éducation.

Qu’aimeriez-vous transmettre aux générations futures ?

Ayez une foi indéfectible. Soyez positive en toutes circonstances car, il faut savoir que demain est encore loin ; c’est-à-dire qu’on peut toujours infléchir les choses dans le bon sens.

Que voulez-vous ajouter ?

Je dirais avec mère Thérésa que « La vie est un défi à relever, un bonheur à mériter, et une aventure à tenter ».

[1] En référence au personnage de François RABELAIS, Géant très goulu, « fin-bec », amateur de bonne chair.

[2] Pâtisserie locale originaire de l’île des Saintes, dépendance de la Guadeloupe.

[3] Spécialités culinaires antillaises.

 

Entretien et portrait par Audrey NELZIN-DE PIZZOL, Décembre 2015

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Shirley BILLOT

 

« De la banane au cosmétique, valoriser son patrimoine naturel »

 

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Entretien et portrait par Nisma Bekkouche

Crédit photos Nisma Bekkouche

Durée du film : 12’00

Dans notre série filmée « Portrait de Femmes », voici le portrait de Shirley Billot.

Jeune quadragénaire, diplômée en économie, Shirley Billot  travaille pendant 7 ans dans la gestion de projet en Europe avant de retourner aux Antilles, où elle travaille dans le téléachat et la distribution de gros.

Le mouvement social qui a secoué les Antilles en 2009, la fait réfléchir sur l’avenir des Antilles et fait émerger en elle une idée, utiliser un végétal du patrimoine naturel antillais, le bananier, à des fins cosmétiques.

A l’occasion de la journée de la femme, nous l’avons rencontrée à la Maison de la Martinique où elle nous parle de la banane qu’elle valorise et exploite.

 

 

 

Aimée-Cippe-au-pupitre-en-salle-Jupiter-

Aimée CIPPE

 

« La tête dans les étoiles mais les pieds sur terre ».

Entretien et portrait par Tchisseka LOBELT

Aimée Cippe au pupitre en salle Jupiter                                                Aimée Cippe au pupitre en salle Jupiter

 

 

Lorsque l’on croise Aimée Cippe, visage juvénile, sourire lumineux vêtue de jolies robes colorées, on est loin d’imaginer que depuis le 21 septembre 2011, cette jeune femme est aux commandes des lanceurs européens comme Ariane 5, Soyouz ou Vega.

Les lancements Ariane 204 (ARABSAT-5C et SES-2), VV01 (LARES-CubeSats, ALMASat-1), Ariane 208 (INTELSAT 20 et HYLAS 2), VV02 (PROBA V et VENERDSat-1) et VS06 (gaia) sont à mettre à l’actif de cette Guyanaise qui, à 37 ans, devenait la première femme Directeur des Opérations du CNES/CSG, autrement dit aux commandes des départs de fusées.

Le DDO pilote une campagne plusieurs mois en amont avant le jour « J » du lancement dit « J0 ». Son travail consiste à coordonner la mise à disposition des moyens opérationnels (télécommunications, logistique, transport, mesures, formations, etc) qui seront nécessaires aux clients satellites pour la préparation de leur charge utile en Guyane mais également de la configuration de la Base pour la chronologie finale de lancement. L’objectif final étant le jour du lancement où le DDO, tel un chef d’orchestre au centre de contrôle en salle Jupiter, assurera la coordination opérationnelle des équipes aux manettes des opérations des moyens techniques qui concourent à un lancement de fusée. Mission qui se doit d’être réussie pour le plus grand bonheur des clients satellites, personnalités locales, industriels présents mais également de l’ensemble des spectateurs et téléspectateurs émerveillés par le Spatial.

 

Chimiste de formation par la filière universitaire, entrée au Centre Spatial Guyanais (CSG) il y a 14 ans, Aimée Cippe débute comme ingénieur au service sauvegarde et environnement. Elle y reste pendant 5 ans durant lesquels elle a mené à bien le projet de certification du management environnemental du CNES/CSG (norme ISO14001). Elle a poursuivi durant les 5 années suivantes au service Support/Clients en tant que responsable d’activités des moyens Laboratoires. Durant cette période, elle exerçait également la fonction de responsable moyens charge utile, un des adjoints du DDO en campagne satellite. Puis c’est tout naturellement que sa hiérarchie lui a demandé de tenter sa chance en tant que DDO.

 

Ayant postulé au poste de DDO sans trop y croire, «  j’ai mis presque un mois avant de donner ma lettre de candidature. J’avais besoin de réfléchir, de faire le tour de la question car lorsque je m’investis dans un domaine ce n’est pas pour échouer ». D’un caractère bien trempé, elle reconnaît être déterminée, volontaire, et allant jusqu’au bout des choses « je ne crois pas avoir un jour laissé quelque chose en suspens », déclare-t-elle prête à relever ce challenge. Au sein de la base, ses collègues guyanais sont fiers d’elle et la soutiennent. La hiérarchie lui fait confiance, elle est nommée à cet important poste à responsabilités. En effet, depuis quelques années déjà, le CNES a toujours soutenu les jeunes Guyanais soit au travers de soutiens boursiers ou au travers de sa politique d’embauches locales en y faisant une priorité. Cela permet aux jeunes diplomés de rentrer au pays et de s’investir…

 

Mais Aimée Cippe n’est pas du genre à avoir la grosse tête. « Je suis restée égale à moi-même. Depuis que je suis passée DDO, les gens m’abordent naturellement pour discuter. Je reçois des marques de soutien de la part de mes collègues quand je suis en campagne ce que j’apprécie grandement. Dans les rues, en Guyane, bien que les gens me reconnaissent, j’essaie de passer inaperçue, je sors peu. En revanche, ce que j’espère serait de pouvoir marquer l’esprit de certains jeunes et tant mieux si cela permet d’engendrer d’éventuelles vocations plus tard ».

Aimée Cippe

Cette Guyanaise est un pur produit du métissage de ce territoire, avec un père créoleoriginaire de Ouanary (Est guyanais) et d’une mère indonésienne javanaise. Aimée a passé toute sa jeunesse à Cayenne. Son parcours est classique, des études au lycée Félix Eboué, puis elle entame des études universitaires qui la conduiront à Toulouse, Avignon puis Limoges où elle obtiendra son Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées en chimie et management de l’environnement.

 

Son métier, très prenant, se conjugue difficilement avec une vie de famille. En effet, le poste de DDO demande un investissement sans faille durant une campagne de tir. « Il est difficile de concilier le tout, on sait quand on part mais pas quand on rentre ».

Aujourd’hui ses distractions favorites sont le cinéma, elle apprécie les films d’aventure ou d’espionnage. Également les lectures sur le développement spirituel de soi. Sportive, elle pratique la natation, le vélo, s’adonne à la chasse lorsque les occasions se présentent.

 

Femme active toujours partante pour mener de nouvelles expériences, depuis un an Aimée Cippe a quitté sa terre natale pour une nouvelle expérience professionnelle au Cnes à Paris Daumesnil. Cette mobilité représente pour elle un nouveau challenge tant sur le plan professionnel que personnel.

 

Comme souhait, elle exhorte les jeunes à poursuivre des études, surtout à aller au bout des choses, à ne pas hésiter à acquérir des compétences, de nouvelles expériences et à ne pas rechercher uniquement la facilité grâce aux aides de l’Etat. Il n’y a pas de sous métiers, l’essentiel est d’exercer un métier qui nous plait et être autonome financièrement. « Savoir gagner son pain à la sueur de son front »!

Il faut qu’ils concrétisent leurs idées, leurs rêves, qu’ils soient courageux et créent des entreprises et ainsi contribuent au développement économique de leur beau pays qu’est la Guyane. Ne jamais baisser les bras face aux difficultés qu’ils rencontreront sur leur chemin.

Chasse et tradition

Proche de la tradition, fan de folklore, issue d’une famille de tanbouyens, dont l’un des tenants est Reno Cippe, cousin de son père, ainsi qu’Emilie Sébéloué, tous deux piliers de la musique traditionnelle locale, Aimée Cippe n’hésite pas dès qu’elle en a l’occasion à participer à des soirées tanbou. « J’aime danser, m’habiller en tenue traditionnelle madras ».

Son péché mignon, la cuisine. Elle réalise des plats javanais, le colombo local, le bouillon « wara » qu’elle préparait déjà sur une péniche à Toulouse lorsqu’elle était étudiante. Assez rare pour une femme en Guyane, elle pratique la chasse qu’elle adore et prépare du gibier, cochon bois, agouti, iguane…

La tête dans les étoiles mais les pieds bien sur terre, Aimée Cippe est une femme proche de la nature qui aime nager, courir, danser, en somme des joies simples qui  complètent son équilibre personnel…

Entretien et portrait par Tchisseka LOBELT

Mars 2015